dimanche 28 novembre 2010

Mais parlons d'autre chose

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Pourquoi faut-il ...


« Désespérance ou désespoir

Il nous reste à être étonnés
Pourquoi faut-il … »

J. Brel







Dans la nuit blanche et sereine
un homme est parti … il s’est ôté la vie
dans sa tête trop de peine … trop de soucis
dans sa tête trop vide ou trop pleine
plus rien ne l’a rattaché à la vie

Dans la nuit blanche et sereine
où la neige tombait doucement sur sa vie
un homme a retourné une arme contre lui
de sa tête éclatée sa douleur s’est enfuie
plus rien qu’un trou noir d’où le sang a jailli


Sur le drap blanc comme neige…
... ... ... ... ... une flaque rouge …
... ... ... ... ... le lourd secret de sa vie









(Photo : maria-d)

vendredi 26 novembre 2010

Résonance (fin)

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Le temps est à la joie, la joie fleure bon la vie. Cette vie lumineuse qui éclate, en plein milieu du jour.

Le mensonge est derrière, il fuit par le chemin de ronces et de racines. Il n’y a plus d’après, il n’y a plus d’avant. Seule l’espérance danse sur cette ligne magique qui lie le ciel à la terre.
Les hommes refont le monde, ils sont nés bâtisseurs. Ils s’abreuvent aux fontaines de leur jeunesse blonde. Ils repassent et refondent de grands fragments de pierre et tirent sur le fil, et coupent la fleur du mal pour que renaisse le monde.
Ils sont grands, ils sont forts et portent à bout de bras toute une vie à construire, un univers immense, une cargaison de fleurs pour colorer la terre.

La joie frappe à la porte du cœur… La joie est silencieuse. Elle éclabousse de lumière le visage des purs en pleine face du jour.

La vie est une fleur parfumée de légendes… La vie est une orange dont on mange le cœur.

Ils sont là, posés, sur le sentier rouge des sacrifices… une odeur âcre et de drame flotte sur le talus. Petit Mulot est mort sur le champ de bataille, son âme est en partance dans les ornières du temps.

Là-bas, on pleure le temps des grandes espérances, des grandes affaires urgentes, des grandes batailles glorieuses et illusions perdues… Là-bas, le cœur de l’homme saigne noir et s’épuise, les oiseaux sont partis, de grands lambeaux de ciel ruissellent du sang des faibles et inondent la terre d’un liquide rouge vif à la croûte noirâtre.

Là-bas … un bout de ciel, une odeur de sucre et un grain de grenade … Là-bas … La Vie.


25 novembre 2010


(Aquarelle : (détail) / Georges Kulik)

mercredi 24 novembre 2010

Résonance (suite)

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Dans la grande joie du ciel, l’air court et inonde l’horizon de pétales de fleurs. Le soleil tient la rampe et teinte de lumière les joues pâles du jour.


Tout est nu, tout est pur… alors, l’homme en silence ouvre ses bras en croix et accueille le ciel à grandes brassées de joie. Il est heureux, et grand, il est noble et sincère, il est en empathie avec le vent et l’air, et offre au bleu du ciel de grands bouquets de pleurs, d’amour et de lumière et fleurs centenaires.
Son secret est immense, seuls les oiseaux du ciel le connaissent et le taisent… Ils lui chantent doucement des mots d’avant l’orage, des mots d’avant le temps, des mots perles des nues, qu’ils partagent en silence dans l’amour, la ferveur et le cœur des phrases.

L’espace est retrouvé, l’espace est reconquis. L’espace est une étoile, petite pierre de l’ombre… amie des ciels sans nombre.

Les fleurs sont sur le champ et appellent les étoiles, la lune qui là-haut rebondit sur le toit et verse des larmes de pluie qui filent sous les doigts, comme une enfance heureuse.
Il est là, l’homme noble, et sincère, et heureux… sous le toit de la vie, il avance et il dit, et il fait… il espère. Il foule le chemin de son pas d’homme sage. Il pense et il respire, et il enfonce le pied dans la terre d’un autre âge.

Les fleurs sont minuscules et chantent sur la lande. Elles sourient à celui qui passe et les regarde, elles sourient à cet homme de silence et de paix, à celui qui passe sans rien dire, sinon au ciel d’image qu’il vénère et honore de ses mains d’homme sage.

Les oiseaux sont en lui et caressent du bec ses pas d’homme qui marche, en silence, sans mot dire… cet homme des salines qui traverse le vent.

23 novembre 2010


(Aquarelle : (détail) / Georges Kulik )

lundi 22 novembre 2010

Résonance (suite)

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Les pieds se frôlent et se frottent, et se perdent dans l’herbe perlée. Les oiseaux croisent leurs becs, ils s’embrassent et se disent, et impriment dans le ciel leur envol si grand, leur envol si sûr, leur envol si pur… Ils crient et chantent, et lissent leurs ailes dans l’air vif du ciel… Ils plongent en sifflant dans l’eau noire de l’étang… ils s’ébrouent, claquent du bec et glissent gracieusement sur l’eau moirée qui danse.

Là-bas passent les hommes à la peau cuivrée, aux visages burinés, aux torses gonflés… ils sont grands, forts et beaux, et montent fièrement de grands chevaux d’argent. Leurs voix déchirent le ciel qui s’ouvre sur l’étang et déverse en éclats de grands oiseaux tout blanc. De grands oiseaux d’un soir venus du fond des âges, qui parlent de merveilles, et leur content des légendes au creux de leur oreille.

L’été est tout au temps, et le temps aux oiseaux, aux fleurs sur les branches, et aux cœurs sur la rampe.

Le silence s’installe, le silence est parfait dans l’herbe des soirs de jade où l’on coupe la rosée avec une lame nacrée. Les oiseaux marchent sur l’ombre, les grands oiseaux des sables revenus par les dunes avec leurs ailes blondes. Ils glissent sur les branches, ils roulent sur les vagues, et enroulent leurs becs au cœur des grands secrets.

Le ciel est en partance, le ciel est de rosée, le ciel est couleur d’encre et de points d’eau fumée.

Ils sont là, sur la tranche et regardent la vie, ils sont là et attendent le réveil des aïeux. Ils ferment leurs yeux d’agate et se tournent vers le ciel qu’ils lèchent de la main, ils en boivent une gorgée… bleue comme leur enfance, de ce bleu qui contait leurs rêves en silence.

Ils sont là quelque part, sur la terre, dans la fragilité du monde, et se rient du mensonge.


20 - 21 novembre 2010



(Aquarelle : " Dans la brume hésitante des matins de septembre " / Georges Kulik : ici)

samedi 20 novembre 2010

Résonance

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Sur les traces du vent, le ciel s’étire vers l’horizon.

Là-bas sur l’arête du monde la lumière éclate et défie la mort. La lumière est en eux, la lumière est pour eux. Ils s’attrapent, ils s’enlacent, ils rebroussent chemin et se réapproprient l’espace.
Les bêtes et les hommes se resserrent en un lien fraternel, et remontent le ciel à l’heure des sacrifices. Les oiseaux sont petits et volent entre les herbes qui frémissent en cœur sous la caresse du vent.

Les autres reviennent et chantent et dansent, et s’aiment sur la tranche. Ils se frottent le cœur et ramassent les cailloux qu’ils lavent sous les branches pour en faire des fleurs. Ils s’accrochent au soleil, et boivent le fil du temps pour embellir les âmes et soulager les corps de tous les mots de sang.

Les enfants sont contents et partent vers la mer, ils chevauchent en riant de grands chevaux de sable, qu’ils lancent au galop entre les flots d’albâtre et les lames de nacre… Ils reviennent sur la plage, lavés et vidés de leurs grandes fatigues, de leurs grandes blessures et de leurs peines de cœur. Ils se jettent sur le sable, crucifiés face au ciel. Ils avalent bouche ouverte de grandes goulées de ciel, de grands lambeaux d’écume. Ils se roulent, ils s’enlacent, ils s’étreignent et se perdent, et gémissent d’extase entre leurs bras d’ardoise.

Là-bas au creux des dunes, de grands oiseaux de paille piquent avec douceur les fines pattes du bétail.


18 novembre 2010


(Peinture : maria-d / 19 – 11 – 2010)

vendredi 19 novembre 2010

La voix du poète

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" ... une épave heureuse ... (...) ... ma liberté le creuse"
... si joliment dit






" Il ne se souvient plus ; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas ? "


***






"Dans mon pays, on remercie."
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mercredi 17 novembre 2010

Là-bas

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Là-bas, de l'autre côté
Là-bas, sur l'autre rive, les arbres ont perdu la tête dans les eaux du grand fleuve.
Le paysage est une algue aux couleurs d'émeraude avec son
ciel mouillé et son regard d'agate.

Là-bas, de l'autre côté du miroir minéral …
Là-bas, sur les rives de l'autre monde, des géants gorgés de sève et vêtus
d'écorce abordent l'infinie traversée, à la surface de

fluides transparences.


Là-bas, de l'autre côté du grand fleuve …
Les arbres ont repeint leur âme avec l'ocre de la terre et l'encre du ciel lave leurs cheveux.
Sous les virevoltes du vent, les feuilles courent et s'attrapent
comme les enfants jouant à chat.


Là-bas, si près, si loin …
Dans le silence qui s'installe avant que l'orage ne referme le ciel, des oiseaux
de cendre passent sur le temps et de la pointe de leurs ailes,

écrivent en lettres d'eau … la beauté de l'instant.

13 novembre 2008




(Aquarelle : maria-d. c / 16 – 11 – 2010)

lundi 15 novembre 2010

À ceux qui ont si peur de la nuit

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La nuit

le cœur est en cage

♥ cloisonné
cœur égratigné
♥ écorché
cœur écartelé
♥ entamé
cœur éloigné
♥ esseulé
cœur déchiré
♥ tailladé
cœur entaillé
♥ clôturé
cœur séparé
♥ haché
cœur lacéré
♥ blessé
cœur abîmé
♥ éraflé
cœur griffé
♥ isolé
éploré
décroché
percé
crucifié





La nuit

le cœur est oiseau

Oiseau emprisonné
Oiseau embastillé
Oiseau séquestré
Oiseau emmuré
Oiseau surpris
Oiseau épris
Oiseau pris
Oi
zO

de
nuit

Oi
zO

pris
au
cœur
de
la
nuit



À l’instant lumineux du jour

à cet instant précieux
où la lumière filtre entre les volets

le cœur s’apaise
le cœur devient oiseau
délivré de sa nuit








(Peinture : Angelica / Nicoletta Ceccoli)

samedi 13 novembre 2010

Dans l’ombre reste l’indigence

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Milieu du jour …
La parole revient d’un monde sans retour… Sous l’aile de l’ange tout recommence… milieu du jour… le monde revit.


Dans l’ombre reste l’indigence. Cette misère des pauvres oubliés, aux mains ankylosées, aux cœurs purs et aux âmes brisées. Ils traînent dans la boue et la poussière leur monde de vermine, la peur et la faim au ventre.

Il faut dire et clamer, chanter la vérité, la crier au monde entier, la cracher bouche ouverte… dénoncer la sauvagerie de ce monde aseptisé, de ce monde parfait et propre en apparence… où l’on tue le rêve, l’amour et les serments… où l’on oublie et extermine les pauvres, les justes et les innocents.

Les loups sont revenus et mangent les petits, ils les roulent dans le mensonge, leur cousent les lèvres et leur collent les paupières.

La machine de l’horreur est en marche, elle sème la haine, la vengeance et saupoudre de poison les plaies béantes des pauvres errants, exclus du jardin Terre… dans ce champ de bataille livré aux vautours, où l’homme est un rapace pour l’homme.








(Dessin : Les Pauvres / Pablo Picasso)

vendredi 12 novembre 2010

Chagrin d'amour

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Il y a tout juste vingt ans qu’il tira sa révérence pour partir vers ce pays d’où nul ne revient …

Il y a tout juste vingt ans que son cœur s’arrêta, ce cœur grand comme le monde, ce cœur blessé, déchiré, qui mourait de chagrin depuis bientôt deux ans …

Il y a tout juste vingt ans qu’il fut revêtu de son plus bel habit pour enfin retrouver l’amour de sa vie, sa fidèle compagne de misère et de joies, de peines et de bonheur… et mère de ses enfants.

Il y a tout juste vingt ans que mon cœur se brisa une deuxième fois, ce cœur qu’il me donna et qu’il su si bien faire vibrer et frémir… s’exalter … exploser … et aimer

Il y a tout juste vingt ans … il partait pour ne plus jamais me quitter…



Une extrême douceur


C’est de toi
mon père
que je trace
le portrait

Ton visage sévère
et toujours
mal rasé
m’a toujours
fascinée
mais ne t’en
ai point parlé

Notre guerre
éternelle
ne m’a jamais
étonnée

Homme en tant qu’homme
Je t’ai toujours
ADORÉ

Seulement
c’est mon secret

Secret
de mes secrets !



(ce petit poème sans prétention intitulé
« Une extrême douceur »
fut retrouvé il y a quelques années,
griffonné dans la marge de l’un de mes cahiers de lycéenne)



(Peinture : Le repas d'aveugle / Pablo Picasso)

jeudi 11 novembre 2010

Noyade

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La liberté s’est noyée cette nuit
dans les larmes du chien


La rose se meurt
son regard se perd dans le trou de la feuille


La liberté s’est noyée cette nuit
et ses larmes montent en moi
comme une nuée d’oiseaux
monte dans le ciel







mercredi 10 novembre 2010

" Les Tendres Souhaits "






" Que ne puis-je, par un songe
Tenir son cœur enchanté ?
Que ne puis-je du mensonge
Passer à la vérité ?
"

Charles-Henri Ribouté



pour en lire plus ICI

mardi 2 novembre 2010

Elle aime et se souvient

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Elle ouvre sa main et jette au ciel une myriade d’étoiles qui constelle sa nuit, elle chante et se souvient les paroles endormies sur le bord du grand lit… Elle pense à ces heures belles, insondables qui s’accrochaient d’une main au revers du manteau de son château de sable… Elle arrache une fleur de l’ourlet de son cœur et la tend à l’enfant, celui qui a grandi, celui qui lui a tout pris, celui qui gratte sans fin le grain sur son chemin.

Sans attendre elle s’éloigne sur le chemin de mai, ce chemin de tourments où coule la rosée, où se frottent les âmes aux feuilles du peuplier… Elle avance en douceur et sans peur, sans chagrin… un pied sur le sentier qui l’a vue grandir et courir et sauter à cloche pied sur le fil barbelé… Dans sa poche elle a mis une tonne d’émotion, quelques grammes de serments pliés dans un mouchoir brodé de fil blanc… Elle chante un refrain sorti de sa mémoire, un refrain sans paroles, une brèche dans son cœur… une mélodie chérie.

Elle s’éloigne doucement de ce monde inhumain, elle parle avec les arbres et cherche les couleurs dans la sève de leurs mains… Elle se dresse et s’étire, attrape une fourmi qui courait imprudente sur le rebord du puits… Ce puits du creux du monde, cette grande spirale qui suce la moelle du temps et arrache les dents des pauvres vieux amants… Elle sourit et se tait, et verse avec délice l’encre dans l’encrier…

Encre bleue et violette pour peindre le rire du ciel, et la joie des heureux… Elle souffle et mouille ses lèvres du rouge de la vie, dans ses yeux elle met un peu d’eau de sa mère, un peu de sucre roux dans le creux de son cou… sur sa langue un bonbon de miel et de jasmin… Elle ouvre sa chemise pour embrasser le vent et lui dire sans pudeur qu’il est son bel amant… sa caresse virile lui exalte la peau, et mordille doucement la pointe de ses seins.

Ils sont deux en chemin, vers une belle histoire… de baisers sur la bouche et douceurs dans le cou… longs doigts cheveux d’écume… Deux cœurs irraisonnés qui se cognent tendrement aux falaises de craie et ricochent sans fin sur la crête du temps… Elle se laisse porter par ce vent en partance, cet amoureux des îles et des cimes des arbres… Elle est une, ils sont un, ils sont deux à s’étreindre dans les draps de la lune… Elle est ce doux visage qui se repose enfin sur le dos de la page.

Elle remonte les étoiles et les serre dans sa main, elle les garde bien au chaud pour poursuivre son chemin… Elle se perd, elle s’égare, ne se souvient de rien… ni ses rires, ni ses pleurs ne la ramènent vers demain… Elle se noie dans le sel de ses yeux océan… elle s’en va, elle s’éteint … elle s’allonge et se terre sous le chapeau du vent… une fleur sur les reins.









(peinture : paysage / maria-d)

lundi 1 novembre 2010

à Eux ...

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" Tous les passants s'en sont allés,
Plus rapides que la mémoire
Écrire un petit bout d'histoire,
Les uns debout, d'autres couchés.
Certains sont entrés dans l'histoire
Sans avoir eu le temps d'y croire,
Pas même le temps d'y songer.

Tous les passants s'en sont allés,
Jean de Flandre et Jean de Navarre
Qui voulaient la mer à boire.
La mer, je crois, les a gardés.
Le petit John des Amériques
Devenu John le magnifique,
La gloire ne l'a pas épargné.

Tous les passants s'en sont allés.
Ceux qui buvaient à la fontaine
Ont maintenant leur cave pleine
De vins aux noms ensoleillés.
Ceux qui croyaient à la colère
Ceux qui voulaient gagner des guerres,
La guerre a du les décimer.

Tous les passants s'en sont allés
Mais toi, plus têtue que la pierre,
Tu n'as pas quitté la rivière
Ni la colline aux fleurs de Mai.
Tu gardes le feu et la table,
La rose et le sirop d'érable,
Comme au temps des très lourds secrets.

Si les passants s'en revenaient
Au lieu de leurs vingt ans superbes
Sur lesquels a repoussé l'herbe,
Je ne sais s'ils s'arrêteraient.
Moi, je vois couler l'eau profonde
Sans m'y pencher une seconde.
J'ai peur d'y voir ce que j'étais.

Tous les passants s'en sont allés,
Jean de Flandre, Jean de Navarre,
Le petit John des Amériques,
Tous les passants s'en sont allés... "


Barbara / Tous les passants










(Peinture : Death and Grave Digger / Carlos Schwabe)