mardi 20 avril 2010

Le Sphinx aux mains si douces

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À l’entrée du Temple, le Sphinx garde les mystères, et ceux qui entrent dans le Temple doivent dérober la connaissance.
Elle est là, la connaissance.
Elle est là face à nous… majestueuse et énigmatique… offerte… mais non divulguée à tous… Il faut la mériter, et pour cela il faut la chercher.
Sphinx au Savoir caché… Interprète du Dieu Imen… Roi du Mystère… Gardien de l’Horizon et du Savoir… Détenteur du Grand Secret.
Détenteur de Vie.

Sphinx de Silence qui ne se laisse pas pénétrer et qui ne laisse rien pénétrer.
Sphinx qui ne répond pas aux questions et qui toujours nous pose la même question.


Allongé de tout ton long… tu te berces interminablement pour t’envoler dans tes étoiles… pour rejoindre ton monde éloigné du Verbe… ce monde s’interdisant les mots… ce monde étranger à la parole… ce monde inconnu de nous, les comme moi…


Sphinx de Silence au regard envolé.
Sphinx de Silence aux yeux égarés.

Demeure aux issues calfeutrées, d’où jaillissent quelques fois des cris qui appellent… des sons qui intriguent… des maux qui font écho…

Longtemps je t’ai attendu Sphinx aux mains si douces… Je n’ai point désespéré… et je savais qu’un jour je te recevrais dans mon antre magique et ludique aux parfums et aux couleurs de l’enfance…
Aujourd’hui, tu en as franchi la porte… tu sembles heureux de l’avoir fait… ce cadeau tu le dois à ton père le Soleil qui croit en toi plus que moi-même…

Dans cette mansarde où je t’accueille, juste sous les toits… je t’ai offert des couleurs… des feuilles de papier… des pinceaux… de l’eau… beaucoup d’eau et je t’ai invité à donner vie à tes mains… tes mains si douces aux caresses de velours.
Tu t’es d’abord méfié, puis tu as écouté ton souffle, ton cœur, ton âme… tu as effleuré les objets, tout ce qui t’entourait… et tu as aussi effleuré mes cheveux, mon visage et mes mains… tu as souri, tu as aimé, alors je t’ai entendu chantonner… tu as manifesté du plaisir … et tu es venu et revenu… encore et encore…

« Jusqu’à quand ? »

C’est sans importance, l’essentiel est d’être …d’être qui tu es… d’être comme tu es … et d’être là dans l’instant… là, présent … moi avec toi et toi avec moi… et toi avec toi…

Bien sûr, il y a eu de l’embarras.
Bien sûr, il y a eu du malaise.
Ton malaise ajouté à mon embarras… et ton embarras ajouté à mon malaise.
Bien sûr, il y a eu des cris… des hésitations… des regards fuyants et des gestes furtifs… des silences et des doutes … et de la violence aussi… oui de la violence… et des déchirures…
Bien sûr, il y a eu tout cela….
Mais, je t’ai laissé le temps … le temps de regarder … le temps d’écouter … le temps de te promener … le temps de vaquer … le temps d’explorer … le temps de ne rien faire … le temps de ne rien dire … le temps de laisser le temps au temps … le temps de te surprendre … le temps de me surprendre … le temps de nous recevoir, de nous connaitre et le temps de nous dire :

« Bonjour » ... en couleur.

Tes yeux ont parcouru l’espace… tes yeux ont scruté la pénombre… tes yeux ont apprivoisé les lieux… tes yeux ont perçu la lumière… tes yeux ont découvert un autre monde… et tu as conté ton monde…
Ton corps s’est mis en mouvement… ton corps s’est mis en écoute… ton corps s’est mis à dire tes mots doux en couleur….

Tes yeux ont regardé… ton cœur a parlé… tu as osé :
Première trace et tu existes
Soupçon d’empreinte et c’est la Vie

Tes yeux se sont tournés vers moi et nos regards se sont croisés et ce regard je l’ai immortalisé dans une photo que je t’ai donnée. Tu en as été enchanté… tu me l’as dit avec tes yeux… tu me l’as dit en posant tes lèvres sur le cliché… en humant sa substance… Cette image de toi t’a rendu si heureux que tu en as fait cadeau à ton père le Soleil… Celui-ci en a été fort ému, comme le jour où tu l’as emmené vers moi… comme le jour où d’un bond tu as traversé l’atelier tirant ton père le Soleil et ta mère la Lune vers ton premier grand cri de couleur… Ce grand cri que tu as enfanté de tes mains si douces, de tes mains riches d’Or en Couleur…. de tes mains de lumière…
Ton père le Soleil était beau dans son émotion… beau dans cet amour énorme qu’il a pour toi.
Et toi, grand Seigneur en silence et en scrutant mon regard… tu m’as montré tes mains… tes mains si douces… tes mains qui avaient tracé ce cri… tes mains qui avaient tracé l’empreinte de toi-même… l’empreinte de ton identité et de ton entité…

Ce Signe d’amour et cette Signature de Vie.

Pour tout cela... pour cette leçon de vie, je te dis merci… toi Sphinx aux si douces couleurs…


(Peinture : Œdipe et le Sphinx / Gustave Moreau)

4 commentaires:

if6 a dit…

c'est très beau!

Anonyme a dit…

Midi a mangé son ombre
Mais il est Spynx aux yeux des hommes
Comme c'est étrange!

Frederique a dit…

Patience, confiance... j'aime cette parabole, son rythme et cet espoir.

Dane a dit…

J'aime ce silence des yeux et des mots!
J'aime aussi cette autre ambiance de ton blog. je n'aime pas être absente de tes écrits, toujours surprenants.
Une pensée pour toi quant à Neruda sur ma pge!
Bises pour toi Maria-D