mardi 15 février 2011

Résonance

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Il a perdu sa voix dans la main du roseau, son cœur chante la joie et conte le silence aux fibres de l’absence. Les nuages sont très lourds, ils pèsent et tombent en éclats sur cette terre sauvage qui frémit sous le charme d’un tendre babillage. Il lui reste le langage, petites perles d’étoiles, grains de pierres à l’âme purifiée.

Il ramasse et empile le son venu du ciel, il ignore les arpèges, il ignore les accords, tout ce charme pour que monte la voix en colonne, engorgée de douceur. Il engrange la lumière et sa folie avec, il reste solitaire, fidèle et armé de patience il repeint le réel, les jardins d’espérance là-bas aux portes du ciel.

La lune le couronne, et porte son image sur la peau de l’étang. Le ciel est un linceul, il enveloppe les nuages et leur donne courage. Le paysage s’enchante, le paysage s’installe, tout se lie, tout se noue, le charme est à genoux. Il caresse les branches et de sa main pleine il pause la couleur dans la fleur d’amandier.

L’espoir se réveille, il a ouvert les yeux et saupoudre de sel les plumes de l’oiseau. Il revient sur le temps et court sur la haie, ses enjambées sont longues et chaque pas le rapproche de l’instant, l’éloigne des ténèbres et le glisse sous l’aile de l’enfant qu’il était. Il est calme, désormais, il lui faut avancer.

Au passage, il embrasse les oiseaux, il les prend, les repose, et d’une feuille de figuier il leur fait une couche. Il retrouve sa voix dans le cou des roseaux, il chante sur le fil et le cri de l’oiseau. Il fuit les apparences, il en racle le duvet et du bout de ses lèvres il fait naitre des nymphes, bulles de savon sur l’épaule des enfants.

Le temps est une attente, le temps est métronome et martèle le silence. Il se blesse à l’arête de l’âge, au détour du chemin, à l’entrée du passage une épine venimeuse lui déchire le cœur. Alors, du bout de sa langue il attrape un caillou blanc pour panser sa blessure. Il revient sur la tranche, il est en renaissance.

Il est sur le chemin, et va trouver la paix, la gaité, l’allègement de son cœur, et le vide et le plein. Il est un frémissement, il avance et s’étonne. Il se griffe aux racines qui envahissent son âme, il avance d’un bon pas, ne se retourne pas. Il longe le chemin et se nourrit de baies, petites billes d’onyx qui noircissent la langue.

Il tremble, il a la fièvre, il claque des dents. Sa langue est noire, ébène. Il chante cependant, il appelle ses frères, il appelle ses mères, il appelle les pauvres âmes qui rampent sous la terre. Il avance sans attente, sans souffrance, et s’acharne sur la boue sèche du chemin. Il est en délivrance, il est en repentance, son cœur est un oiseau.

Il siffle et il pépie, il souffle et il sourit. Il se dépouille, et dévêt son habit d’infortune. Il chante le langage des oiseaux, le torse bombé, la poitrine pleine d’une douce gaité, le ventre en feu, le ventre déchiré. Il se courbe tel un arc, il va se délivrer. Il va se poser, se ressaisir et revenir, ne pas mourir.

Les oiseaux l’escortent et fendent l’air, lui ouvrent le chemin, l’habillent de lumière, lui font pousser des ailes. Il arrive nu et délivré aux sources de la poésie, et s’installe pour l’éternité dans le ciel constellé.



(Peinture : Appolon et Pégase / Gustave Moreau)

9 commentaires:

Brigetoun a dit…

"trop bien" cet antique, ou presque. Je le diffuse

sido a dit…

Tellement belle cette écriture ! alors ne rien dire d'autre, et lire, et relire et se laisser porter par les ailes de la poésie.

Gérard Méry a dit…

Du bel ouvrage poétique Maria

O a dit…

"Je tiens mon âme en paix et en silence, comme un enfant contre sa mère."
(Psaumes, CXXXI, 2)

jeanne a dit…

résonnances
tes mots sont des images qui ouvrent le ciel parce qu'il en délivrance
parce qu'il pose les couleurs
lumière
et qui qu'il soit
il se délivre
et ouvre peut être une voie

Estourelle a dit…

comme c'est beau!!!

"il repeint le réel
les jardins d'espérance
là-bas
aux portes du ciel"

Pousser la porte de ces jardins
et entrer oui! en poésie comme on entre
dans les jardins d'espérance!

maria-d a dit…

@ Brigetoun, sido, Gérard, O, Jeanne, Estourelle...
merci beaucoup à vous, pour vos mots sympathiques et encourageants.. qui me touchent, car ce texte m'est cher, il m'a été divinement inspiré...
merci beaucoup pour votre lecture.

Belle vie à vous

Anonyme a dit…

J’entends ton Cœur battre …
écho si doux, si parfait ...
Beauté à fleur de peau ,,,
Infinie Douceur de Ce Qui est Reflet ...
La Paix se distille en larmes pures …
à jamais aimer ...
Je T’aime … dans le Reflet très beau de ton Amour
Dans ce Cœur de Nous qui amoureux chante
le Réveille au Ciel …
Qui a connu la joie, la douleur, la douceur, le sublime et le noir ...
Savoir, pour ne mourir plus, Être chant,oiseau,nid, plume, douceur, racine, arbre, Terre et Ciel... Éclat de lumière, déflagration merveilleuse
de toutes les couleurs de l’Arc-en-ciel ...


Chère Maria … pardonnez-moi, s’Il Vous plait, l’ «exubérance», parfois, de mes mots. La vérité est que Votre écriture inspire mon cœur tellement … et moi, je voudrais pouvoir laisser l’écoute venir et en pleine liberté exprimer ce que ressens au plus profond de moi. Alors, voilà, je Vous écris comme si je parlais à la Vie! Une partie de moi sait que Vous le savez et le comprenez, mais l’autre sens le besoin de l’expliquer … alors je l’explique! Je crois que ce soit la Prière de mon cœur qui se réveille en écho avec celle de tous ceux qui vous aiment, qui vous lisent, qui sont touchés par vos mots et par eux inspirés …
Je Vous remercie pour toute la beauté que Vous partagez et je vous embrasse très,très fort de tout mon coeur!
Votre Merciel

gmc a dit…

très joli texte, maria