vendredi 18 mars 2011

Résonance

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Il est silencieux, taiseux. Il ne dit rien, il entend, et porte dans ses bras tout le bonheur du monde. Il en emplit ses yeux, sa bouche, et tresse ses cheveux. Le cœur en bandoulière il part sur les chemins, la vie est en naissance, la vie est indolente dans le ciel sans souffrance.
Une odeur de sel et de sucre dans le cou, le tremblement d’un cil et une palpitation à la place du cœur.

Il est dans le silence, il est en grande attente, il se tait et il rit. Il aiguise son œil pour colorier la vie. Les chemins dans le ciel, les routes sous les branches, les collines à cheval sur l’horizon qui tremble, comme la feuille sous le souffle du vent.

Il se vautre dans l’herbe et les fleurs qui jasent, elles ont des jupes roses et des rubans de soie qui leur cernent le cou. Il rit sous le soleil et courtise les belles qui gloussent sous l’orage, sous l’ondée qui les lave et pose dans leur cœur une perle de pluie. La vie coule lascive dans leur cou, dans leur tige et sur leur cheveux roux. Le silence se pose dans la main de la rose, petit baiser d’ardoise qui claque de la langue.

Sur le voile de l’étang, il y a des naïades qui jouent avec le vent, elles courent et volent et se glissent agiles sous les doigts de l’enfant. La joie est sous les feuilles, dans le cœur des fleurs et la bouche du vent.

Un pétale de rose se pose sur les lèvres de Pan qui danse, nous réjouit et peigne nos cheveux de ses longs doigts de feuilles. Un œil est dans le pré, et l’autre est dans le vent, le visage ouvert à la lisière du ciel. Les oiseaux bercent les fruits et les chahutent de leur bec de nacre.

Les Elfes sont cachés dans le feuillage épais et contemplent les naïades qui folâtrent dans l’étang. Elles sont petites et fines, aux longs cheveux ambrés. Leurs seins de porcelaine aux mamelons sucrés ruissellent dans la lumière que distille l’été.

Le faune caresse l’ombre et un silence de feuille s’élève de la branche. Matin empli d’espoir, épanoui de lumière. La nature exhale la beauté de l’instant. Le cœur au diapason murmure le chant du monde. Une aile s’ouvre et s’éloigne, elle monte dans le ciel et ouvre les yeux fébriles des dieux qui se morfondent. Ainsi se renouvelle la vie, ainsi nait la métamorphose, ainsi frémit la sève dans le corps de l’arbre.

Le trou est dans le mur, une pierre oubliée, le silence se pose dans la joie de l’instant. Le cœur éclate rose dans les limbes du temps, il rit et se repose, il pose dans les roses le souffle du printemps.

Les dieux sont reconquis, et les âmes comblées par la beauté des choses.



(Peinture : Pan / Gustave Moreau)

8 commentaires:

O a dit…

Chez vous toujours ce quelque chose de la mystique et du sacré.
Un monde d’amour et de beauté. Votre monde.
Un monde où se côtoient le mal et le bien, la douleur et la beauté.
Je dirais que vous marchez côte à côte avec le divin.
Et je pense que vous êtes de ceux et de celles qui ont précisément saisi le sens de cette phrase de Dostoïevsky (dans l’idiot) : « La beauté sauvera le monde »
Votre regard sur le monde est à la fois d’une grande simplicité et d’une grande intelligence. Vous touchez du doigt la vérité. Vous êtes une initiée, le savez-vous ?

Je vous suis et très souvent je vous lis. Soyez bénie

camille a dit…

Après l’hiver

N’attendez pas de moi que je vais vous donner
Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ;
La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière,
Dans les champs, dans les bois, est partout la première.
Je suis par le printemps vaguement attendri.
Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ;
Je sens devant l’enfance et devant le zéphyre
Je ne sais quel besoin de pleurer et de rire ;
Mai complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs.
Jeanne, George, accourez, puisque voilà des fleurs.
Accourez, la forêt chante, l’azur se dore,
Vous n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore.
Je suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous,
Venez, je veux aimer, être juste, être doux,
Croire, remercier confusément les choses,
Vivre sans reprocher les épines aux roses,
Être enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu.

Ô printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu !
On sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre,
Et l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ;
On mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ;
On a le doux bonheur d’être avec les oiseaux
Et de voir, sous l’abri des branches printanières,
Ces messieurs faire avec ces dames des manières.


Victor Hugo

Anonyme a dit…

vaya lectura....que placer..que belleza

michel, à franquevaux. a dit…

..."elles ont des jupes roses et des rubans de soie qui leur cernent le cou"...

De mémoire et en silence, ceci résonne :

..."Elles ont les épaules hautes et l'air malin ou bien des mines qui déroutent, la confiance est dans la poitrine où l'aube de leurs seins se lève"...

Paul Eluard, (mais quoi ?).

Dans le silence et pour le plaisir de la mémoire:

"parce que j'étais gitan et qu'elle était adultère"

y otra :

"Antonio Torres Heredia hijo y nieto de camborrios va a Sevilla a ver los toros "...

les deux Federico Garcia Lorca

maria-d a dit…

@ O… "Quand la vérité entre dans un cœur, elle est comme une petite fille qui, entrant dans une pièce, fait aussitôt paraître vieux tout ce qui s’y trouve."

C. Bobin / Le Christ aux coquelicots




@ Camille

A la mi-carême

Le carnaval s’en va, les roses vont éclore ;
Sur les flancs des coteaux déjà court le gazon.
Cependant du plaisir la frileuse saison
Sous ses grelots légers rit et voltige encore,
Tandis que, soulevant les voiles de l’aurore,
Le Printemps inquiet paraît à l’horizon.
Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire ;

Bien que le laboureur le craigne justement,
L’univers y renaît ; il est vrai que le vent,
La pluie et le soleil s’y disputent l’empire.
Qu’y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ;
C’est sa première larme et son premier sourire.

C’est dans le mois de mars que tente de s’ouvrir
L’anémone sauvage aux corolles tremblantes.
Les femmes et les fleurs appellent le zéphyr ;
Et du fond des boudoirs les belles indolentes,
Balançant mollement leurs tailles nonchalantes,
Sous les vieux marronniers commencent à venir.

C’est alors que les bals, plus joyeux et plus rares,
Prolongent plus longtemps leurs dernières fanfares ;
À ce bruit qui nous quitte, on court avec ardeur ;
La valseuse se livre avec plus de langueur :
Les yeux sont plus hardis, les lèvres moins avares,
La lassitude enivre, et l’amour vient au coeur.

S’il est vrai qu’ici-bas l’adieu de ce qu’on aime
Soit un si doux chagrin qu’on en voudrait mourir,
C’est dans le mois de mars, c’est à la mi-carême,
Qu’au sortir d’un souper un enfant du plaisir
Sur la valse et l’amour devrait faire un poème,
Et saluer gaiement ses dieux prêts à partir.

Mais qui saura chanter tes pas pleins d’harmonie,
Et tes secrets divins, du vulgaire ignorés,
Belle Nymphe allemande aux brodequins dorés ?
Ô Muse de la valse ! ô fleur de poésie !
Où sont, de notre temps, les buveurs d’ambroisie
Dignes de s’étourdir dans tes bras adorés ?

Quand, sur le Cithéron, la Bacchanale antique
Des filles de Cadmus dénouait les cheveux,
On laissait la beauté danser devant les dieux ;
Et si quelque profane, au son de la musique,
S’élançait dans les chœurs, la prêtresse impudique
De son thyrse de fer frappait l’audacieux.

Il n’en est pas ainsi dans nos fêtes grossières ;
Les vierges aujourd’hui se montrent moins sévères,
Et se laissent toucher sans grâce et sans fierté.
Nous ouvrons à qui veut nos quadrilles vulgaires ;
Nous perdons le respect qu’on doit à la beauté,
Et nos plaisirs bruyants font fuir la volupté.

Tant que régna chez nous le menuet gothique,
D’observer la mesure on se souvint encor.
Nos pères la gardaient aux jours de thermidor,
Lorsqu’au bruit des canons dansait la République,
Lorsque la Tallien, soulevant sa tunique,
Faisait de ses pieds nus claquer les anneaux d’or.

Autres temps, autres mœurs ; le rythme et la cadence
Ont suivi les hasards et la commune loi.
Pendant que l’univers, ligué contre la France,
S’épuisait de fatigue à lui donner un roi,
La valse d’un coup d’aile a détrôné la danse.
Si quelqu’un s’en est plaint, certes, ce n’est pas moi.

Je voudrais seulement, puisqu’elle est notre hôtesse,
Qu’on sût mieux honorer cette jeune déesse.
Je voudrais qu’à sa voix on pût régler nos pas,
Ne pas voir profaner une si douce ivresse,
Froisser d’un si beau sein les contours délicats,
Et le premier venu l’emporter dans ses bras.

C’est notre barbarie et notre indifférence
Qu’il nous faut accuser ; notre esprit inconstant
Se prend de fantaisie et vit de changement ;
Mais le désordre même a besoin d’élégance ;
Et je voudrais du moins qu’une duchesse, en France,
Sût valser aussi bien qu’un bouvier allemand.

Alfred de Musset




@ Anonyme : Si eres tilk : un besote,

si usted es otro(a) : muchisimas gracias y diga me más sobre su identidad

maria-d a dit…

@ Michel … merci


1

Amoureuses

Elles ont les épaules hautes
Et l'air malin
Ou bien des mines qui déroutent
La confiance est dans la poitrine
À la hauteur où l'aube de leurs seins se lève
Pour dévêtir la nuit

Des yeux à casser des cailloux
Des sourires sans y penser
Pour chaque rêve
Des rafales de cris de neige
Et des ombres déracinées.

Il faut les croire sur baiser
Et sur parole et sur regard
Et ne baiser que leurs baisers

Je ne montre que ton visage
Les grands orages de ta gorge
Tout ce que je connais et tout ce que j'ignore
Mon amour ton amour ton amour ton amour.


Paul Eluard / La Vie immédiate




2

La casada infiel


Y que yo me la llevé al río
creyendo que era mozuela,
pero tenía marido.

Fue la noche de Santiago
y casi por compromiso.

Se apagaron los faroles
y se encendieron los grillos.

En las últimas esquinas
toqué sus pechos dormidos,
y se me abrieron de pronto
como ramos de jacintos.

El almidón de su enagua
me sonaba en el oído,
como una pieza de seda
rasgada por diez cuchillos.

Sin luz de plata en sus copas
los árboles han crecido
y un horizonte de perros
ladra muy lejos del río.


Pasadas las zarzamoras,
los juncos y los espinos,
bajo su mata de pelo
hice un hoyo sobre el limo.

Yo me quité la corbata.
Ella se quitó el vestido.
Yo el cinturón con revólver.
Ella sus cuatro corpiños.

Ni nardos ni caracolas
tienen el cutis tan fino,
ni los cristales con luna
relumbran con ese brillo.
Sus muslos se me escapaban
como peces sorprendidos,
la mitad llenos de lumbre,
la mitad llenos de frío.

Aquella noche corrí
el mejor de los caminos,
montado en potra de nácar
sin bridas y sin estribos.

No quiero decir, por hombre,
las cosas que ella me dijo.
La luz del entendimiento
me hace ser muy comedido.

Sucia de besos y arena
yo me la llevé del río.
Con el aire se batían
las espadas de los lirios.


Me porté como quién soy.
Como un gitano legítimo.
La regalé un costurero
grande, de raso pajizo,
y no quise enamorarme
porque teniendo marido
me dijo que era mozuela
cuando la llevaba al río.

F. Garia Lorca / Romancero Gitano




3

PRENDIMIENTO DE ANTOÑITO EL CAMBORIO EN EL CAMINO DE SEVILLA

Antonio Torres Heredia,
hijo y nieto de Camborios,
con una vara de mimbre
va a Sevilla a ver los toros.

Moreno de verde luna
anda despacio y garboso.
Sus empavonados bucles
le brillan entre los ojos.

A la mitad del camino
cortó limones redondos,
y los fue tirando al agua
hasta que la puso de oro.

Y a la mitad del camino,
bajo las ramas de un olmo,
guardia civil caminera
lo llevó codo con codo.

El día se va despacio,
la tarde colgada a un hombro,
dando una larga torera
sobre el mar y los arroyos.

Las aceitunas aguardan
la noche de Capricornio,
y una corta brisa, ecuestre,
salta los montes de plomo.

Antonio Torres Heredia,
hijo y nieto de Camborios,
viene sin vara de mimbre
entre los cinco tricornios.

Antonio, ¿quién eres tú?
Si te llamaras Camborio,
hubieras hecho una fuente
de sangre con cinco chorros.

Ni tú eres hijo de nadie,
ni legítimo Camborio.
¡Se acabaron los gitanos
que iban por el monte solos!
Están los viejos cuchillos
tiritando bajo el polvo.

A las nueve de la noche
lo llevan al calabozo,
mientras los guardias civiles
beben limonada todos.

Y a las nueve de la noche
le cierran el calabozo,
mientras el cielo reluce
como la grupa de un potro.

F. Garcia Lorca / Romancero Gitano

Neyde a dit…

Mon anie
Je pense comme O.
C'est un plaisir pour l'âme venir ici chez toi.
Bises

Et comme ton blog parle deux langues:

Amiga
Ai! como me gusta tu blog!
Quando vengo acá my alma sueña y vuela.
Te quiero mucho mi amiga-hermana
Besos

maria-d a dit…

@ Neyde ... Y yo también te quiero mucho amiga lejana... recuerda te mi caballito azul y tu marinerito que vincularon nuestro encuentro en casa de Ossiane.
un abrazo fuerte.

Et puisque tu aimes, alors clique à droite dans les liens, le tout dernier : Ch. Bobin : "Le Christ aux coquelicots" ... je suis sûre que tu vas aimer le texte.