vendredi 15 juillet 2011

Comme dans un atelier d'écriture...

________________________________________une résonance ICI




Sur les traces du vent, le ciel s’étire vers l’horizon.

Là-bas, sur l’arête du monde la lumière éclate et défie la mort. La lumière est en eux, la lumière est pour eux. Ils s’attrapent, ils s’enlacent, ils rebroussent chemin et se réapproprient l’espace.
Les bêtes et les hommes se resserrent en un lien fraternel, et remontent le ciel à l’heure des sacrifices. Les oiseaux sont petits et volent entre les herbes qui frémissent en cœur sous la caresse du vent.

Les autres reviennent et chantent et dansent, et s’aiment sur la tranche. Ils se frottent le cœur et ramassent les cailloux qu’ils lavent sous les branches pour en faire des fleurs. Ils s’accrochent au soleil, et boivent le fil du temps pour embellir les âmes et soulager les corps de tous les mots de sang.

Les enfants sont contents et partent vers la mer, ils chevauchent en riant de grands chevaux de sable, qu’ils lancent au galop entre les flots d’albâtre et les lames de nacre… Ils reviennent sur la plage, lavés et vidés de leurs grandes fatigues, de leurs grandes blessures et de leurs peines de cœur. Ils se jettent sur le sable, crucifiés face au ciel. Ils avalent bouche ouverte de grandes goulées de ciel, de grands lambeaux d’écume. Ils se roulent, ils s’enlacent, ils s’étreignent et se perdent, et gémissent d’extase entre leurs bras d’ardoise.

Là-bas au creux des dunes, de grands oiseaux de paille piquent avec douceur les fines pattes du bétail.


Les pieds se frôlent et se frottent, et se perdent dans l’herbe perlée. Les oiseaux croisent leurs becs, ils s’embrassent et se disent, et impriment dans le ciel leur envol si grand, leur envol si sûr, leur envol si pur… Ils crient et chantent, et lissent leurs ailes dans l’air vif du ciel… Ils plongent en sifflant dans l’eau noire de l’étang… ils s’ébrouent, claquent du bec et glissent gracieusement sur l’eau moirée qui danse.

Là-bas passent les hommes à la peau cuivrée, aux visages burinés, aux torses gonflés… ils sont grands, forts et beaux, et montent fièrement de grands chevaux d’argent. Leurs voix déchirent le ciel qui s’ouvre sur l’étang et déverse en éclats de grands oiseaux tout blanc. De grands oiseaux d’un soir venus du fond des âges, qui parlent de merveilles, et leur content des légendes au creux de leur oreille.

L’été est tout au temps, et le temps aux oiseaux, aux fleurs sur les branches, et aux cœurs sur la rampe.

Le silence s’installe, le silence est parfait dans l’herbe des soirs de jade où l’on coupe la rosée avec une lame nacrée. Les oiseaux marchent sur l’ombre, les grands oiseaux des sables revenus par les dunes avec leurs ailes blondes. Ils glissent sur les branches, ils roulent sur les vagues, et enroulent leurs becs au cœur des grands secrets.

Le ciel est en partance, le ciel est de rosée, le ciel est couleur d’encre et de points d’eau fumée.

Ils sont là, sur la tranche et regardent la vie, ils sont là et attendent le réveil des aïeux. Ils ferment leurs yeux d’agate et se tournent vers le ciel qu’ils lèchent de la main, ils en boivent une gorgée… bleue comme leur enfance, de ce bleu qui contait leurs rêves en silence.

Ils sont là quelque part, sur la terre, dans la fragilité du monde, et se rient du mensonge.


Dans la grande joie du ciel, l’air court et inonde l’horizon de pétales de fleurs. Le soleil tient la rampe et teinte de lumière les joues pâles du jour.

Tout est nu, tout est pur… alors, l’homme en silence ouvre ses bras en croix et accueille le ciel à grandes brassées de joie. Il est heureux, et grand, il est noble et sincère, il est en empathie avec le vent et l’air, et offre au bleu du ciel de grands bouquets de pleurs, d’amour et de lumière et fleurs centenaires.
Son secret est immense, seuls les oiseaux du ciel le connaissent et le taisent… Ils lui chantent doucement des mots d’avant l’orage, des mots d’avant le temps, des mots perles des nues, qu’ils partagent en silence dans l’amour, la ferveur et le cœur des phrases.

L’espace est retrouvé, l’espace est reconquis. L’espace est une étoile, petite pierre de l’ombre… amie des ciels sans nombre.

Les fleurs sont sur le champ et appellent les étoiles, la lune qui là-haut rebondit sur le toit et verse des larmes de pluie qui filent sous les doigts, comme une enfance heureuse.
Il est là, l’homme noble, et sincère, et heureux… sous le toit de la vie, il avance et il dit, et il fait… il espère. Il foule le chemin de son pas d’homme sage. Il pense et il respire, et il enfonce le pied dans la terre d’un autre âge.

Les fleurs sont minuscules et chantent sur la lande. Elles sourient à celui qui passe et les regarde, elles sourient à cet homme de silence et de paix, à celui qui passe sans rien dire, sinon au ciel d’image qu’il vénère et honore de ses mains d’homme sage.

Les oiseaux sont en lui et caressent du bec ses pas d’homme qui marche, en silence, sans mot dire… cet homme des salines qui traverse le vent.


Le temps est à la joie, la joie fleure bon la vie. Cette vie lumineuse qui éclate, en plein milieu du jour.

Le mensonge est derrière, il fuit par le chemin de ronces et de racines. Il n’y a plus d’après, il n’y a plus d’avant. Seule l’espérance danse sur cette ligne magique qui lie le ciel à la terre.
Les hommes refont le monde, ils sont nés bâtisseurs. Ils s’abreuvent aux fontaines de leur jeunesse blonde. Ils repassent et refondent de grands fragments de pierre et tirent sur le fil, et coupent la fleur du mal pour que renaisse le monde.
Ils sont grands, ils sont forts et portent à bout de bras toute une vie à construire, un univers immense, une cargaison de fleurs pour colorer la terre.

La joie frappe à la porte du cœur… La joie est silencieuse. Elle éclabousse de lumière le visage des purs en pleine face du jour.

La vie est une fleur parfumée de légendes… La vie est une orange dont on mange le cœur.

Ils sont là, posés, sur le sentier rouge des sacrifices… une odeur âcre et de drame flotte sur le talus. Petit Mulot est mort sur le champ de bataille, son âme est en partance dans les ornières du temps.

Là-bas, on pleure le temps des grandes espérances, des grandes affaires urgentes, des grandes batailles glorieuses et illusions perdues… Là-bas, le cœur de l’homme saigne noir et s’épuise, les oiseaux sont partis, de grands lambeaux de ciel ruissellent du sang des faibles et inondent la terre d’un liquide rouge vif à la croûte noirâtre.

Là-bas … un bout de ciel, une odeur de sucre et un grain de grenade … Là-bas … La Vie.




(Peinture : Leçon de perspective / Yahne Le Toumelin)

7 commentaires:

Maïté/ Aliénor a dit…

Je ne sais où me transporte ce texte: dans un monde dont je connais chaque mot mais dont les contours m'échappent. Il y a de si belles formulations qui me happent et d'autres qui me laissent sucre et grenade.
Merci Maria-D

Gérard Méry a dit…

... "l’homme en silence ouvre ses bras en croix et accueille le ciel à grandes brassées de joie"....que c'est beau !!!!

camille a dit…

Un long texte, comme une litanie
c'est beau, insaisissable et heureux.

merci chère Maria-D

jeanne a dit…

j'aime les images ici
qui rappellent celles de là-bas
celles que j'aime
celles de la Vie
qui parfois nous échappe
un peu

maria-d a dit…

@ Maïté ... ce monde qui nous connait si bien et que nous ignorons... merci Maïté pour vos mots



@ Gérard ... alors les bras ouvert, une "embrasse" pour toi... merci



@ Camille... oui, heureux parce que insaisissable... amitié



@ Jeanne... ici, là-bas... là-bas, ici... tout est UN, l'unique trait... à bientôt

jeandler a dit…

Un texte d'aérienne beauté
la liberté conquise

"Tout est nu, tout est pur… alors, l’homme en silence ouvre ses bras en croix et accueille le ciel à grandes brassées de joie."

Un texte qui transporte vers un au-delà des choses.

jjd a dit…

Sur les traces du vent
Là-bas
Les autres
Les enfants
Là-bas
L'été
Le silence
Le ciel
Ils sont là
Ils sont là quelque part
Dans la grande joie
Tout est nu
L'espace
Les fleurs
Les fleurs
Les oiseaux
Le temps
Le mensonge
La joie
La vie
Ils sont là
Là-bas
Là-bas