dimanche 25 novembre 2012

Controverse







Sur le chemin de pierre, une griffe, un caillou, une blanche racine, et le sang sur les mains qui traverse l’échine. Le cou, le dos sont rapiécés, une couture ouverte, blessure cautérisée. Le lait est dans le bol, il est froid et épais, c’est une folie bien sage dans le bol de lait. 

Patience et silence, dans la nuit de l’été s’envole la vertu. La pierre s’est brisée sur le chemin de lait, une miette, une perle, une brisure intime… au coin de la mémoire une tête échevelée, un guerrier sans mouchoir et sans poudre de lait. 




(Peinture : Zao Wou Ki)

9 commentaires:

Brigetoun a dit…

controverse en mots qui chantent

O a dit…

Une controverse bien intime, douce, à la fleur pure, de lait.
Une nouvelle naissance qui incite à la grandeur de l'âme, la spiritualité.
Une controverse, cela va sans dire.

arlette a dit…

Entre deux falaises
la caravane explose
peur du gouffre lointain
Controverse assurément

renaud a dit…

Aujourd'hui journée nationale contre les violences faites aux femmes:
Bien des femmes se débattent dans la vie comme une mouche dans un bol de lait, sans que personne ne s'en rende compte ou ne s'y intéresse.
Bien des femmes périssent sous les pierres lancées par les hommes sous le prétexte qu'elles n'ont rien à faire sur leur chemin.
Amitié.
Renaud

Patrick Lucas a dit…

des blessures qui remontent à la surface
comme la crème à la surface du lait

lutine a dit…

"Que celui qui n'a jamais péché lance la première pierre" phrase historique. Ton texte m'a ramenée à l'essentiel.

jeanne a dit…

le guerrier sans mouchoir
sans larmes
sans état d'âme
sans rêve
sans sans poudre de lait

maria-d a dit…

>>>>>>>> à chacun un extrait du POÈTE en son temps controversé ...
merci à vous tous



@ brigitte celerier …

Hymne.

A la très chère, à la très belle
Qui remplit mon cœur de clarté,
A l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité !

Elle se répand dans ma vie
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie
Verse le goût de l'éternel.

Sachet toujours frais qui parfume
L'atmosphère d'un cher réduit,
Encensoir oublié qui fume
En secret à travers la nuit,

Comment, amour incorruptible,
T'exprimer avec vérité ?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon éternité !

A la très bonne, à la très belle
Qui fait ma joie et ma santé,
A l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité !

C. Baudelaire



@ O …

Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire

Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire,
Que diras-tu, mon cœur, cœur autrefois flétri,
A la très-belle, à la très-bonne, à la très-chère,
Dont le regard divin t'a soudain refleuri ?

- Nous mettrons notre orgueil à chanter ses louanges :
Rien ne vaut la douceur de son autorité ;
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
Et son œil nous revêt d'un habit de clarté.

Que ce soit dans la nuit et dans la solitude,
Que ce soit dans la rue et dans la multitude,
Son fantôme dans l'air danse comme un flambeau.

Parfois il parle et dit : " Je suis belle, et j'ordonne
Que pour l'amour de moi vous n'aimiez que le Beau ;
Je suis l'Ange gardien, la Muse et la Madone.

C. Baudelaire



@ arlettart …

Le gouffre

Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant.
- Hélas ! tout est abîme, - action, désir, rêve,
Parole ! et sur mon poil qui tout droit se relève
Maintes fois de la Peur je sens passer le vent.

En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,
Le silence, l'espace affreux et captivant...
Sur le fond de mes nuits Dieu de son doigt savant
Dessine un cauchemar multiforme et sans trêve.

J'ai peur du sommeil comme on a peur d'un grand trou,
Tout plein de vague horreur, menant on ne sait où ;
Je ne vois qu'infini par toutes les fenêtres,

Et mon esprit, toujours du vertige hanté,
Jalouse du néant l'insensibilité.
Ah ! ne jamais sortir des Nombres et des Etres !

C. Baudelaire



@ renaud …

Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle,
Femme impure ! L’ennui rend ton âme cruelle.
Pour exercer tes dents à ce jeu singulier,
Il te faut chaque jour un cœur au râtelier.
Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques
Et des ifs flamboyants dans les fêtes publiques,
Usent insolemment d’un pouvoir emprunté,
Sans connaître jamais la loi de leur beauté.
Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde !
Salutaire instrument, buveur du sang du monde,
Comment n’as-tu pas honte et comment n’as-tu pas
Devant tous les miroirs vu pâlir tes appas ?
La grandeur de ce mal où tu te crois savante
Ne t’a donc jamais fait reculer d’épouvante,
Quand la nature, grande en ses desseins cachés,
De toi se sert, ô femme, ô reine des péchés,
- De toi, vil animal, - pour pétrir un génie ?
Ô fangeuse grandeur ! Sublime ignominie

C. Baudelaire



maria-d a dit…

@ Patrick Lucas …

La fontaine de sang

Il me semble parfois que mon sang coule à flots,
Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.
Je l'entends bien qui coule avec un long murmure,
Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.

À travers la cité, comme dans un champ clos,
Il s'en va, transformant les pavés en îlots,
Désaltérant la soif de chaque créature,
Et partout colorant en rouge la nature.

J'ai demandé souvent à des vins captieux
D'endormir pour un jour la terreur qui me mine ;
Le vin rend œil plus clair et l'oreille plus fine !

J'ai cherché dans l'amour un sommeil oublieux ;
Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles
Fait pour donner à boire à ces cruelles filles !

C. Baudelaire



@ lutine …

A une Malabaraise

Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
Est Large à faire envie à la plus belle blanche ;
A l'artiste pensif ton corps est doux et cher ;
Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.

Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître,
Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître,
De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'odeurs,
De chasser loin du lit les moustiques rôdeurs,
Et, dès que le matin fait chanter les platanes,
D'acheter au bazar ananas et bananes.
Tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus
Et fredonnes tout bas de vieux airs inconnus ;
Et quand descend le soir au manteau d'écarlate,
Tu poses doucement ton corps sur une natte,
Où tes rêves flottants sont pleins de colibris,
Et toujours, comme toi, gracieux et fleuris.

Pourquoi, l'heureuse enfant, veux-tu voir notre France,
Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance,
Et, confiant ta vie aux bras forts des marins,
Faire de grands adieux à tes chers tamarins ?
Toi, vêtue à moitié de mousselines frêles,
Frissonnante là-bas sous la neige et les grêles,
Comme tu pleurerais tes loisirs doux et francs,
Si, le corset brutal emprisonnant tes flancs,
Il te fallait glaner ton souper dans nos fanges
Et vendre le parfum de tes charmes étranges,
L'œil pensif, et suivant, dans nos sales brouillards,
Des cocotiers absents les fantômes épars !

C. Baudelaire


@ Jeanne …

Le rêve d'un curieux

Connais-tu, comme moi, la douleur savoureuse,
Et de toi fais-tu dire: «Oh! l'homme singulier!»
-J'allais mourir. C'était dans mon âme amoureuse,
Désir mêlé d'horreur, un mal particulier;

Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse.
Plus allait se vidant le fatal sablier,
Plus ma torture était âpre et délicieuse;
Tout mon cœur s'arrachait au monde familier.

J'étais comme l'enfant avide du spectacle,
Haïssant le rideau comme on hait un obstacle...
Enfin la vérité froide se révéla:

J'étais mort sans surprise, et la terrible aurore
M'enveloppait. -Eh quoi! n'est-ce donc que cela?
La toile était levée et j'attendais encore.

C. Baudelaire