mardi 21 juin 2011

Des mots dans la marge

.




____________________Des mots
____________________inscrits dans la marge
____________________des mots écrits sur la page
____________________du livre nourriture
____________________ils sont bleu délavé
____________________et provoquent en moi
____________________une émotion première

____________________une véritable avalanche
____________________d’images
____________________de souvenirs palpables
____________________et d’histoires en allées

____________________des mots d’encre
____________________et d’écume
____________________des lignes de mer
____________________et poèmes de sable

____________________Poèmes de l’âme
____________________nés un dimanche de neige
____________________loin des chambres obscures
____________________et des villes de marbre

____________________Peut-être une feuille
____________________au bout de la branche
____________________un oiseau des îles
____________________hors de la cage

____________________un poème

____________________Une griffure de lait
____________________sur la joue de l’enfant
____________________un doigt de gelée
____________________sur les chemins du vent
____________________un cahier aux pages quadrillées
____________________et des vers sans pieds

____________________une cerise endormie
____________________dans le verre d’eau de vie
____________________un verre d’eau de pluie
____________________le noyau de la vie

____________________Des mots en troupeaux
____________________sur les fils barbelés
____________________des retours à la ligne
____________________et des lettres en sursis

____________________De ces temps griffonnés
____________________dans la marge des livres
____________________il me reste l’hiver
____________________des poèmes sans rides
____________________des poèmes sans tâches
____________________aux doigts bleus des cailloux
____________________des rôdeurs que l’on frôle
____________________la tendresse vagabonde

____________________et la lune cachée dans un jardin secret

____________________Il me reste l’été
____________________les grands arbres qui saignent
____________________au creux des lignes caves
____________________où passent les troupeaux

____________________les levers d’avant l’aube
____________________le sel de la terre _ le sel de la mer

____________________Il me reste le temps

____________________Il me reste le présent
____________________ce fil sous la neige qui respire et s’étire
____________________sans un mot

____________________le silence du temps

____________________Il me reste la ferveur
____________________l’apologie du dénuement
____________________il me reste cette flamme
____________________entre les pages du livre

____________________Il me reste ce livre
____________________annoté et corné _ aux pages parfumées
____________________que jamais je ne jetterai




(Photo : Page 163, du livre : « Les nourritures terrestres » d’André Gide / folio 1972)

9 commentaires:

O a dit…

"Puis le temps vient où il nous faut quitter tout cela."
André Gide dans "Les nouvelles nourritures"

Pour l'heure nous sommes au chercheur de traces, et de bonnes nourritures sont les vôtres.

Pour cela, je vous dis : merci.

jjd a dit…

cette nuit à l'écoute
"des mots d’encre et d’écume"


De la nuit dont un livre m'affirme qu'il faut la laisser en nous murmurer

telle une source intarissable.

De la nuit dont on fait ses livres "traduits du silence"

où les mots désœuvrés nous creusent nous façonnent

et nous imaginent...

jeanne a dit…

je le vois bien ce livre
il ressemble aux miens
ceux qu'on ouvrent doucement
parce que certaines pages se défont
les tâches sont médailles
et ils nous raontent si bien avant

Maïté/Aliénor a dit…

les marges et les mots gris, couleur crayon à papier, couleur mémoire. Les mots si serrés pour ne pas se faire dévorer par le temps et les feuilles pressées. les mots jetés aux rats de bibliothèque.
Des mots penchés, des labyrinthes et des jeux de piste aux étoiles renvoyant à la marelle des pages.
Des mots bleus, des mots-bac, des mots-soir et des mots-foin par la fenêtre, des mots aux fenêtres où le givre s'invitait ainsi que le gibier chassé. Des mots de lit et de petits matins; des mots penchés sur la table, calligraphiés.
Et des livres qui jamais ne partent parce que dans la marge, s'invitent les mots comme une flamme-mémoire, comme un faisceau de connivence avec les mots de papier, les mots rencontrés.
Maria, quel beau poème!

jeanne a dit…

re-lecture
et comme j'aime

michel, à franquevaux. a dit…

Et pourtant, jette, jette.
Dans ma marge vos images.
Et pourtant, jette, jette.

frederique a dit…

En marge http://www.youtube.com/watch?v=6r6fG7oClfQ

maria-d a dit…

@ O …
« A quoi reconnais-tu que le fruit est mûr ? – A ceci, qu’il quitte la branche. Tout mûrit pour le don et se parachève en offrande. »
André Gide / Les nouvelles nourritures p.181

Merci pour vos mots



@ Dorio …

« Il y a des nuits où l’on ne pouvait pas s’endormir. Il y avait de grandes attentes – des attentes on ne savait souvent pas de quoi – sur le lit où je cherchais en vain le sommeil, les membres fatigués et comme déjetés par l’amour. Et parfois je cherchais, par-delà la volupté de la chair, comme une seconde volupté plus cachée. »

André Gide / Les nourritures terrestres … p155



@ Jeanne …
« Oh ! si le temps pouvait remonter vers sa source ! et si le passé revenir ! Nathanaël, je voudrais t’emmener avec moi vers ces heures amoureuses de ma jeunesse, où la vie coulait en moi comme du miel – D’avoir goûté tant de bonheur, l’âme sera-t-elle jamais consolée ? Car là, j’étais, là-bas, dans ces jardins, moi, non un autre ; j’écoutais ce chant de roseau ; je respirais ces fleurs ; je regardais, je touchais cet enfant – et certes de chacun de ces jeux chaque nouveau printemps s’accompagne – mais celui que j’étais, cet autre, ah ! comment le redeviendrais-je ! – (maintenant sur les toits de la ville, il pleut ; ma chambre est solitaire) C’est l’heure om là-bas les troupeaux de Lossif rentraient ; ils revenaient de la montagne ; le désert était plein d’or au couchant ; tranquillité du soir … maintenant ; (maintenant). »

André Gide / Les nourritures … p156-157



@ Maïté …
Que répondre ? merci pour vos beaux mots Maïté… et je vous joins là un extrait souligné au crayon de papier à la page 137 du livre, coché et souligné, cet extrait m’interpelait donc, il en est toujours le cas aujourd’hui, cela se confirme… :

« Je crois que la route que je suis est ma route, et que je la suis comme il faut. Je garde l’habitude d’une vaste confiance qu’on appellerait de la foi, si elle était assermentée. »
A Gide



@ Michel de Franquevaux.

Alors, jette, jette
Dans ta marge vos mots à mes images.
Alors, jette, jette.

Et pour vous cet extrait de Hafiz cité page 56 de ce même livre :

« Apportez-moi du vin
Que je tache ma robe,
Car je chancelle d’amour
Et l’on m’appelle sage. »



@ Frederique … alors, là, bravo et merci beaucoup touchée en plein cœur, une grande bouffée d’amour et un grand bond dans ma jeunesse… merci

« Je voulais dire que je t'aime
Sans espoir et sans regrets
Je voulais dire que je t'aime, t'aime
Parce que ça semble vrai »


Et je voulais aussi te dire que j’aime les mains gauches,
car chez certains elles ne sont pas maladroites.

Frederique a dit…

Hafiz aussi ... ! Diantre,tu fréquentes de bien belles marges :-)