jeudi 23 juin 2011

Hommage à Michel Chalandon … poète à Franquevaux

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pour bercer




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" Un panier creux pour bercer des petits, ils tombent d’une branche, ils se
reposent, ils éclatent et se dispersent, ils sont en frisson et tremblants, ils perdent du temps et des remords, ils se tournent sur l’eau, ils chantent dans les tiges des roseaux, ils sont sur la boue sèche, sur le fond en pleine vase, ils tournent et recommencent, ils bercent leur fraîcheur, ils cessent le grand voyage, ils descendaient d’une branche, ils ne remonteront pas, ils se tourneront et diront ensemble leur frayeur, ils sont petits et tourmentés et ils se bercent d’une feuille, ils finiront sous les sabots, les chevaux passent, ils les entendent, ils n’en sont pas, ils n’en sont pas, ils sont effrayés et sérieux.


D’une branche, d’une branche, les autres, les autres tournent, ils commencent d’une feuille à une branche, d’un écho à un sourcil, un panier creux, un trou plus autre chose, ils sont dans la pleine vase, sous le pied des chevaux, sous le pas des hommes, ils sont étrangement heureux, étrangement présents, ils sont petits et perdus, ils sont du rêve sans fantaisie, ce jour tout est sérieux, les notes claires, les oiseaux en chasse dans la vase, le cri prudent, prudent, ils rampent et certains sautent, ils tournent, ils se commencent, ils abrègent le vol, ils prennent la distance, ce qui avance dans le marais est à fuir, à fuir, ils sont petits et effrayés, ils sont coupables par avance, par habitude, par facilité, il faut tout, en ce jour triste et sérieux :

des coupables, des proies pour porter le poids du panier creux des remords qui accablent.


La vérité sur ce passage ils sont allés sur le chemin, ils ont frappé la boue séchée, les oiseaux veillent et signalent, ils passent, ils passent, ils ont les pattes à l’envers, le bec rouge, ils crient, ils crient, ils signalent tous les passages, un homme est entré, une fleur ne bouge pas, un homme serpente, dans ce marais, il compte les oiseaux au ciel, au ciel, les oies blanches, les hirondelles, les cygnes même, les cygnes, tout chante et vole sur l’eau noire, tout est triste et pesant, le vol, les cris, le soleil lourd, la face sèche, ils volent lourdement et crient, l’entrée est là, il passe, il se serre, il agrandit les bras et passe sur ce chemin de boue séchée, sur ce pavé pour des géants qui furent, qui furent.




Il n’y a plus rien, il n’y a rien, sous ce soleil tout est triste, triste, triste, les oiseaux volent d’une branche, d’une branche, ils se perdent, ils sont ici et maintenant dans le ciel gris de triste mine, de pauvre temps, de remords et de travail, de travail, un pied, un pied, un pas, il marche sur la chaussée des géants, sur le fond des âges, le marais sera gagnant, il percera, il donnera et des pierres et des remords, des empreintes pour la mémoire, une pierre, une pierre, elle fut un peu de boue et beaucoup d’eau et du temps pour passer, pour passer, d’une branche, d’une branche, sans rien y voir en croyant tout, en se tenant aux tiges, les roseaux ploient, ils se protègent.


Ils cachent les oiseaux, les pattes à l’envers, le bec rouge, ils crient, ils crient, l’entrée est là, la vie est beaucoup moins facile, le temps est triste, la boue sèche, il soufflera sur ces traces un vent pour une éternité, ils chanteront, ils voleront longtemps les oiseaux qui veillent, ils sont là, ils guettent, ils prennent sur eux le malheur, la boue sèche, les pieds s’enfoncent, la boue sera pierre à tailler et traces pour l’avenir, le sol est gris, le ciel est gris, le jour est triste et peut pleurer, ils sont effrayés, ils crient les oiseaux qui veillent, les voleurs qui volent, ils sont sur l’air, ils sont sur l’eau, ils cherchent et déposent au sol une ombre, un manteau, une incertitude,

ils sont posés, ils ont volé, ils tournent encore et ils flottent sur l’eau, sur l’eau, sur la boue, elle sèche, le temps est triste, il peut pleurer.



Un panier creux pour y poser du désarroi, une horreur minuscule faite d’on ne sait quoi, sans pied, sans âme, sans raison. C’est un travail, il faut voler. Peut-on ? "




12 août 2010

Michel Chalandon ... à lire ici





(Dessins encre : maria-d) ... à voir ici

8 commentaires:

pierre a dit…

Un panier creux, un moïse...

Bel et vibrant hommage en dessins épousant un texte superbe.
Amitiés à vous deux, poète et illustratrice réunis

if6 a dit…

éloge du subtil
et du partage des mots
c'est magnifique

J... a dit…

C'est beau, c'est émouvant
Cette tristesse sertie de tendresse et d’amour.
Je me glisse dans ce berceau de feuilles que tu veilles si beau
Enfant, je m’envole au pays des oiseaux.

♥♥♥

J... a dit…

Chant sur le berceau
Je veille. Ne crains rien. J'attends que tu t'endormes.
Les anges sur ton front viendront poser leurs bouches.
Je ne veux pas sur toi d'un rêve ayant des formes
Farouches ;

Je veux qu'en te voyant là, ta main dans la mienne,
Le vent change son bruit d'orage en bruit de lyre.
Et que sur ton sommeil la sinistre nuit vienne
Sourire.

Le poète est penché sur les berceaux qui tremblent ;
Il leur parle, il leur dit tout bas de tendres choses,
Il est leur amoureux, et ses chansons ressemblent
Aux roses.

Il est plus pur qu'avril embaumant la pelouse
Et que mai dont l'oiseau vient piller la corbeille ;
Sa voix est un frisson d'âme, à rendre jalouse
L'abeille ;

Il adore ces nids de soie et de dentelles ;
Son cœur a des gaîtés dans la fraîche demeure
Qui font rire aux éclats avec des douceurs telles
Qu'on pleure ;

Il est le bon semeur des fraîches allégresses ;
Il rit. Mais si les rois et leurs valets sans nombre
Viennent, s'il voit briller des prunelles tigresses
Dans l'ombre,

S'il voit du Vatican, de Berlin ou de Vienne
Sortir un guet-apens, une horde, une bible,
Il se dresse, il n'en faut pas plus pour qu'il devienne
Terrible.

S'il voit ce basilic, Rome, ou cette araignée,
Ignace, ou ce vautour, Bismarck, faire leur crime,
Il gronde, il sent monter dans sa strophe indignée
L'abîme.

C'est dit. Plus de chansons. L'avenir qu'il réclame,
Les peuples et leur droit, les rois et leur bravade,
Sont comme un tourbillon de tempête où cette âme
S'évade.

Il accourt. Reviens, France, à ta fierté première !
Délivrance ! Et l'on voit cet homme qui se lève
Ayant Dieu dans le cœur et dans l'œil la lumière
Du glaive.

Et sa pensée, errante alors comme les proues
Dans l'onde et les drapeaux dans les noires mêlées,
Est un immense char d'aurore avec des roues
Ailées.


Victor Hugo

maria-d a dit…

@ Pierre, if6, J...

merci.

O a dit…

Etat de grâce.

Gérard Méry a dit…

Je suis admiratif devant tes dessins à l'encre Maria.

maria-d a dit…

Merci Gérard,
sais-tu qu'ils sont réalisés avec des brindilles d'arbres tombées.