mardi 13 septembre 2011

Les oiseaux sont venus

.


Les oiseaux sont venus et ont gravé le ciel, ils ont écrit leurs noms sur des lambeaux de bleu et des débris de rouille. Ils ont écrit des pages. Ils ont transcrit leurs yeux sur des fossés de sable. Ils sont venus nombreux, heureux, avec leurs plumes brunes, avec leurs becs d’écume ils ont tracé le signe. Les oiseaux sont venus porteurs de lumière, ils ont refait le ciel, agrafé des étoiles aux fronts des certitudes. De leurs pattes d’écaille ils ont frisé la lune, ils ont griffé la peau des grands vents sur la dune. A la bouche du ciel ils ont cousu leurs ailes pour que l’enfant des plages porte ses rêves au vent.

Sur le dos de la pierre ils se sont posés, ont regardé l’herbe pousser sous leurs pieds. Ils ont mangé la graine, ils ont plié la paille, et ils se sont couchés sur le tapis de sable. Repus, ils se sont envolés, ont battu la lumière, ont crié leur misère et se sont embrassés.

Ils ont chanté l’hiver, ils ont chanté l’été, ils ont chanté le sable et se sont enlacés. Ils ont pris leurs blessures et les ont ciselées pour que de leur fracture coule le sang secret qui fleurit dans les blés. Ils volent et tournent et vrillent, ils volent tête pleine, ils volent tête vide, ils volent en poésie, en langue des prophètes. Ils sont des naufragés de la vie, de l’espace. Leur vol est émotion, un cœur d’or au creux d’une pupille. Dans le soir ils se posent et grattent la soie du ciel, ils pleurent et se reposent, leurs sanglots sont des chants qui montent vers la nuit, qui montent vers les anges en alphabet précis.

Les oiseaux sont venus, ils ont gravé le ciel de leurs voix d’écriture.




(Peinture Collage : Les oiseaux / Georges Braque)
(les océans sont dévastés : signez la pétition ICI)

10 commentaires:

O a dit…

Laisse-nous pleurer.



Toi qui ris de nos coeurs prompts à se déchirer,
Rends-nous notre ignorance, ou laisse-nous pleurer !
Promets-nous à jamais le soleil, la nuit même,
Oui, la nuit à jamais, promets-la-moi ! Je l'aime,
Avec ses astres blancs, ses flambeaux, ses sommeils,
Son rêve errant toujours et toujours ses réveils,
Et toujours, pour calmer la brûlante insomnie,
D'un monde où rien ne meurt l'éternelle harmonie !

Ce monde était le mien quand, les ailes aux vents,
Mon âme encore oiseau rasait les jours mouvants,
Quand je mordais aux fruits que ma soeur, chère aînée,
Cueillait à l'arbre entier de notre destinée ;
Puis, en nous regardant jusqu'au fond de nos yeux,
Nous éclations d'un rire à faire ouvrir les cieux,
Car nous ne savions rien. Plus agiles que l'onde,
Nos âmes s'en allaient chanter autour du monde,
Lorsqu'avec moi, promise aux profondes amours,
Nous n'épelions partout qu'un mot : " Toujours ! Toujours ! "

Philosophe distrait, amant des théories,
Qui n'ôtes ton chapeau qu'aux madones fleuries,
Quand tu diras toujours que vivre c'est penser,
Qu'il faut que l'oiseau chante, et qu'il nous faut danser,
Et qu'alors qu'on est femme il faut porter des roses,
Tu ne changeras pas le cours amer des choses.
Pourquoi donc nous chercher, nous qui ne dansons pas ?
Pourquoi nous écouter, nous qui parlons tout bas ?
Nous n'allons point usant nos yeux au même livre :
Le mien se lit dans l'ombre où Dieu m'apprend à vivre.
Toi, qui ris de nos coeurs prompts à se déchirer,
Rends-nous notre ignorance, ou laisse-nous pleurer.

Vois, si tu n'as pas vu, la plus petite fille
S'éprendre des soucis d'une jeune famille,
Éclore à la douleur par le pressentiment,
Pâlir pour sa poupée heurtée imprudemment,
Prier Dieu, puis sourire en berçant son idole
Qu'elle croit endormie au son de sa parole :
Fière du vague instinct de sa fécondité,
Elle couve une autre âme à l'immortalité.

Laisse-lui ses berceaux : ta raillerie amère
Éteindrait son enfant... Tu vois bien qu'elle est mère.
À la mère du moins laisse les beaux enfants,
Ingrats, si Dieu le veut, mais à jamais vivants !

Sinon, de quoi ris-tu ? Va ! J'ai le droit des larmes ;
Va ! Sur les flancs brisés ne porte pas tes armes.
Toi qui ris de nos coeurs prompts à se déchirer,
Rends-nous notre innocence, ou laisse-nous pleurer !


Marceline Desbordes-Valmore (Poésies inédites)

pierre a dit…

Les oiseaux sont repartis comme ils sont venus
en silence
une plume sur la branche laissée
frissonne

camille a dit…

C'est très beau, je suis sans mots, je suis sans voix.
Et je goûte avec bonheur cette voix d'écriture.

merci chère Maria-D, je vous souhaite le meilleur.

jj dorio a dit…

IL EST D'AUTRES OISEAUX TOUT AUSSI MERVEILLEUX...
ET MARIA-D LES CONNAÎT



... 37 personas -¡37!- habían comprado en un año la Historia de la eternidad de Borges.

"Yo tenía ganas de buscar a esas 37 personas, agradecerles, pedirles disculpas por lo malo que era el libro".

BORGES *



Cette rue comme dit Borges je ne l’emprunterai plus, comme cette nuit je ne vivrai qu'une fois une seule

Mais j’abandonne là ces considérations inactuelles

J’ouvre la fenêtre et laisse entrer quelques instants la fraîcheur des dernières nuits de l'été

Laissant au vieil érudit le goût des versets de l’Ecclésiaste, de ses répétitions labyrinthiques et de ce qui fut fait une fois pour toute


Un poème nouveau m’attend, dans la discontinuité essentielle,cette page offerte à l'oiseau rare,
ce trente septième lecteur qui a picoré,comme il se doit,ces quelques mots jetés au vent de la reconnaissance et de l'oubli


* 37 personnes – 37! - avaient acheté la première année "L'histoire de l'éternité" de Borges, qui confia alors :
« J'avais envie de chercher un à un ces trente-sept lecteurs, remercier ces oiseaux rares, et m'excuser pour ce que contenait de mauvais mon livre »

Gérard Méry a dit…

Ils ont chanté l’hiver, ils ont chanté l’été les oiseaux se cachent pour mourir aussi !!!

jeanne a dit…

"ils ont cette fidélité
des oiseaux de passage"

maria-d a dit…

@ O … merci, c’est très beau, d’autant que je connais très très peu cette auteure … merci pour vos visites, pour votre sympathie.



@ pierre … La trace du poète , la trace d’une vie.



@ Camille … Une voix d’écriture, comme une voie lactée



@ jj dorio …

" L’oiseau rare " de Borges
je le connais un peu…
Oiseau rare j’aimerais être
pour vous lire encore mieux

Oiseau rare ténébreux
Oiseau rare singulier

Les bons lecteurs
sont
aux bons auteurs

l’oiseau rare est l’auteur
créateur
d’oiseaux rares

Oiseau rare j’aimerais être
pour vous lire toujours mieux



@ Gérard Méry … et oui, ils se cachent, ils ont cette dignité !!!



@ Jeanne …

" Ô les gens bien heureux
Tout à coup dans l'espace
Si haut qu'ils semblent aller
Lentement en grand vol

En forme de triangle
Arrivent planent, et passent
Où vont ils? ... qui sont-ils ?
Comme ils sont loin du sol "

Jean Richepin.

Corinne a dit…

Force et beauté du vol des oiseaux...
Tounoiement de mots se deposent dans le ciel de nos coeurs pour y laisser cette merveilleuse trace...

J♥♥♥ a dit…

La mort des oiseaux


Le soir, au coin du feu, j'ai pensé bien des fois,
A la mort d'un oiseau, quelque part, dans les bois,
Pendant les tristes jours de l'hiver monotone
Les pauvres nids déserts, les nids qu'on abandonne,

Se balancent au vent sur le ciel gris de fer.
Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l'hiver !
Pourtant lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes.

Dans le gazon d'avril où nous irons courir.
Est-ce que " les oiseaux se cachent pour mourir ? "


François Coppée (1842-1908)


J' ♥♥♥ beaucoup

maria-d a dit…

@ Corinne ...oui, la trace écrite des oiseaux... merveille


@ J... merci beaucoup pour ce beau poème et cela fait écho au commentaire de Gérard
♥♥♥