mercredi 12 octobre 2011

Rumeur

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Le fil est tendu, il respire sur la frange, tout chante, tout murmure sur le feu de la rampe. Le ciel transpire et s’allume de l’ombre des étoiles, il est grand, il est beau et décroche la brume, creuse la voie qui reprend forme et dévale la pente, il suffoque un instant, s’étire, recommence et s’apprête à saisir la main du naufragé.

Il saute à pieds joints dans le creux de la vague et cherche son image dans les miroirs de la terre, jusqu’à l’extrême, jusqu’à l’épuisement, il ravale son souffle, masse ses paupières et se griffe la langue en léchant les cailloux. Il titube sur le fil et arrache la fleur qui recouvre la fange.

Sur le bord du chemin il tresse l’herbe frêle et repose sa nuque sur un coussin de feuilles. Il est bien, il est seul avec les anges, heureux d’être au monde, solide et bien portant. La chaleur le berce, les insectes l’apaisent, il oublie le tourment, il oublie les affaires et glisse sans attendre dans le lit du grand fleuve.

Ses yeux sont verts ou bleus cela dépend du ciel, sa voix est de cristal, sa gorge est une grotte coupée du reste du monde par une longue soif. Il cherche et trouve le temps sur le bord du chemin, l’hiver en robe de neige qui peigne ses frimas, ses longs cheveux de gel, d’ardoise et de mystère. Il est jeune et heureux, il frappe de sa langue des mots de pierre éclose.

Les arbres lui font hommage, ils se penchent et le frôlent, lui caressent le visage et lui offrent leur ombre. Il est enfant du ciel, il est prince des rêves, il est un envoyé qui recouvre de sa main la tristesse du monde. Il est un enfant clair qui de ses doigts d’éther trace sur la terre une marelle blonde.




(Peinture : “Number 7″ 1951. / Jackson Pollock)

8 commentaires:

if6 a dit…

magnifique texte que "ce prince des rêves qui frappe de sa langue des mots de pierre éclose" ...
Bonne journée Maria.

François a dit…

J'attends cet enfant clair
pour que de ses doigts d'éther
renaisse un nouveau monde

Vos pages sont d'une beauté qui dépasse les mots
mots qu'il est parfois bien difficile de vous déposer.

merci.

virtuelle a dit…

Une rumeur ou un bruit qui court malgré tout aux rythmes de l'enfance perdue.....
Bien à vous

pierre a dit…

L'enfant, l'infant
le prince de ce monde
tant d'innocence bafouée...

Gérard Méry a dit…

Il est libre et insouciant

jeanne a dit…

"il recouvre la tristesse du monde"
espérances...

maria-d a dit…

Merci à vous tous pour vos mots, votre attention...

amitié

rechab a dit…

Ah Turner tout à l'heure, Pollock, maintenant, çà me parle...

ainsi que votre commentaire par lequel j'ai atterri chez vous, c'est à dire http://dorio.blog.lemonde.fr/2008/01/22/lune-a-partir/#comment-2983..
auquel j'ai ajouté le mien...

peut-être serez vous intéressée aussi à parcourir mon blog artistique qui est http://rechab-art-encore.blogspot.com...

en tout cas j'aime faire le lien entre les créatifs, et je n'arrête pas de découvrir de bien belles choses...
Merci

RCh