samedi 22 octobre 2011

Il coupe et il tranche

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Il coupe et il tranche le cou aux regrets, aux alarmes, au siècle plein d’armes. Un peuple est en colère et déchire la toile qui s’affale sur le monde.

Le tourment est de mise et le calme pendu, ligoté, garroté. Un œil se referme et pousse le verrou, tire la chevillette et remonte le courant. Les cieux sont parvenus.
Sur la peau du grand fleuve des bulles éclatent d’air et crient à gorge pleine. La mémoire est absente, la justice à genoux, le rien déchire la langue et la cheville au cou.
Ils versent le sang des autres dans le sablier d’or, dans le sablier plein de poussière qui dort.

Les étoiles sont fécondes et éclairent le chemin qui mène vers le bonheur. Il chante sur le fil pour se donner, enfin… pour se répandre en tendre dans des lambeaux de cendre.

Les oiseaux sont espiègles et picorent ses larmes qui roulent en étoiles sur sa joue d’homme bon. Il faut qu’il recommence, il lui faut revenir sur ses pas, ses absences et ses vaines errances. Il lui faut atteindre cette étoile lointaine, celle-là qui naguère brillait sur le chemin.
Il lui faut exiger, réclamer et crier, déchirer le linceul qui lui cache son œil, il lui faut la lumière sur le bord du destin.

Il est seul, solitaire, en attente, ses racines le portent, le lient au grand mystère qui lui martèle les hanches.
Les rois sont alignés, les guerriers sortent leurs armes, et lui en grand secret murmure sous le vacarme. Il se cache, il se tait et se glisse dans l’ombre. Il se vide, se dépouille de sa vie, de son ombre, il avance et arpente un siècle de souvenance.

Sans rien dire, il se tue, il se noie, et transvase le temps dans un verre sans fond. Il tourne et s’en retourne, frappe l’eau de son pied, précise le temps, combat l’instant, remplit le vide, creuse ses mains, apprend sa leçon et compte, multiplie sur ses doigts écorchés.
Il se cache dans l’ombre, refuse l’intervalle, repousse la ferveur… il dépose son fardeau et s’envole dans l’éther, dans le juste, dans le vrai… au milieu d’un mirage, une image tremblante qui s’évanouit au loin.
Bouche nue, il se tait dans le silence, éteint.

Il revient, se repère, il verse et transvase sa colère dans l’air, sur le revers du temps et le blanc de sa toile, il se tire le cou et souffle dans ses mains, il dispose et repose le bois sur le chemin.

En silence et sans bruit, de sa bouche de sable, de ses doigts de jasmin il détache de sa paume un soupçon du destin.




(Encre sur page du Monde / maria-d)

8 commentaires:

Brigetoun a dit…

ai beaucoup aimé l'encre - ai continué en lisant, ai aimé aussi

pierre.b a dit…

C'est une pluie de nouvelles qui vous brisent les os...les larmes sont trop grosses...l'encre bien trop noire..C'est " le Monde" qui s'affole..et se jette par terre..il tuerait père et mère..et s'ennivre de colère..C'est un jeu de marelle...ou le ciel et la terre..se rejoignent et vous serrent...plus d'espace ..en manque d'air..il n'y a plus qu'à se taire...C'est une sphère à l'envers..et un fêle sur le verre..que l'on brade aux enchères..sous emprise de l'ether..C'est une pluie de nouvelles..qui inondent les pages..les armes sont trop belles..et s'ecrasent les Mirages...C'était...

jeandler a dit…

Et dans l'urgence et l'apreté de leur victoire, ils tuent, violent, lapident et croient se venger, injuriant l'homme en eux.

virtuelle a dit…

il s'accroche au Monde la tête haute et les larmes amères qui roulent sur ses espérances bafouées et le tiennent pour combien de temps, en éveil
Magnifique. Merci.

Gérard a dit…

Très forte Maria...faire la une du Monde

michel, à franquevaux a dit…

L'étoile au loin,
cache un œil
au bord du destin.

maria-d a dit…

@ brigetoun …
Merci d’avoir continué ;-)




@ pierre.b

Une petite pluie
qui répare les eaux

larmes au cœur gros
encre de l’ espoir

c’est un monde de fous
qui engrosse la terre
du sang de leurs pères
et du lait de leurs mères

c’est comme un jeu d’enfant
où le ciel et la terre
se rejoignent en un arc
et tombent en enfer

le silence est de mise
les bouches sont bâillonnées
les cous sont garrottés

c’est un monde que l’on perd
qui se dissout dans l’air

c’est une petite pluie
graminées de la terre
qui inondent le ciel
et se perdent dans mes pages


merci Pierre, il y a pour vous un cadeau dans la page des commentaires de la note : "εὐχαριστία" du 16 octobre.




@ jeandler…

"Insulté Humilié Floué Roué Troué
De rêves er de clous et de cris Ecce Homo
Et ce siècle est sa voix Et ce fleuve est son sang
Jamais tel aveuglé de mensonge-lumière
Jamais tel torturé par qui tant lui ressemble,
Réduit à ras Reclus Écorché de tout son passé,
Palimpseste des agonies et des blessures,
Otage d’un enfer qui rejeta son Dante,
Son nom d’homme à son cou resserrant la corde
Ou le lestant d’honneur De quel droit parlez-vous ?
Nous les toujours saignants les proies de l’homme,
Nous les toujours trempés dans sa mémoire ouverte,
Nous que ce siècle brûle O sur ma langue étrange hostie,
Et quelle aube en nos yeux que je nomme Amnistie."

Charles Dobzynski / poème extrait de "Librement dit" (Ecrits sur les droits de l'homme/ Amnesty International)




@ virtuelle …
Il ira jusqu’au bout de sa route, et après il ira encore, encore, encore…

Merci d’aimer.




@ Gérard… de 1973 ;-))




@ michel de franquevaux…

"Les oiseaux se moquent, il grandit et pleure sa fatigue, et compte ses ardeurs, les étoiles au ciel, il est flou, il est calme, il pense, il est honnête, fier et droit, fier et droit, il reprend le chemin, il faut monter et désigner du doigt une étoile puis l’autre et comprendre son avenir et claironner aux cieux :
je suis là, je suis ici, je vous veux, j’exige et j’obtiendrais : le calme, le repos, la force. Il est en y pensant bien plus près des aveugles, bien proche des matins, il sonne, il est fanfare et habitude, il compte pour eux tous les étoiles aux cieux, il cherche au-delà, la lumière, il est assis sur le bord."

Michel Chalandon / J’en aurais une sûrement. / 9 août 2010

J... a dit…

J'♥♥♥